Le peintre, sculpteur et performeur Olivier de Sagazan, était hier au Quai à Angers pour une performance qui tient à la fois du spectacle vivant et des arts plastiques. Sur l'estrade, deux pots de peinture, deux seaux d'eau, un pot de terre glaise mélangée à du kaolin.
Puis l'artiste, en costume cravate, arrive et s'assied en tailleur. Il se concentre . Il lance quelques phrases, mélange de soliloque et d'imprécations et plonge les mains dans l'eau et la terre et commence par s'enduire le visage. L'opération de surmodelage débute.
Son œuvre, dans le prolongement de Francis Bacon, sublime la chair maudite par des déchaînements de matières : empâtements, engluements et dégagements. Les corps de Sagazan, rappellent ceux des tableaux de l'artiste anglais.
Pour Romain Verger, les tableaux d'Olivier de Sagazan sont d'une esthétique macabre, mais les corps, malmenés qu'ils sont, n’en dégagent pas moins une étonnante vitalité. En effet, ces êtres sont saturés de matière, pris en elle. Vivre, c’est éprouver cette pression déformante du monde sur soi, comme en témoignent selon Sagazan les œuvres de Greco ou de Bacon.
Certains textes de l'artiste sur la violence en art peuvent nous aider à comprendre sa démarche :
N’y a-t-il pas déjà suffisamment de violence dans la vie
pour que les artistes eux-mêmes la rendent explicite
dans leur création ?
Les images violentes exercent sur le public une attraction
indéniable… Il suffit de voir comment certaines scènes
horribles sont reprises en boucle par les télévisions
à un niveau planétaire, en garantissant un fort taux d’écoute
à leur diffuseur.
Notre propos n’est pas de réfléchir à ce stimulus ambigu
qui agite alors le spectateur devant de telles images,
mais de tenter de comprendre comment et pourquoi l’artiste
lui-même, s’aventure parfois dans ces territoires obscurs !
Car pour Olivier de Sagazan, peindre ou sculpter, c’est faire l’expérience d’un « corps à corps total ». On impose certes « des épreuves douloureuses » à l’objet mais on partage son martyre, non uniquement par compassion (« on a mal pour la sculpture ») mais en raison des douleurs posturales liées aux conditions de création elles-mêmes (« douleurs musculaires ou nerveuses plus ou moins aiguës », « tendinites » induites par « dissymétrie » : une main tient la palette l’autre le pinceau. La création s’apparente bien à un supplice. Pas de montée en chair sans cela : « Le squelette de ferraille est ajusté à l’aide de toutes sortes d’instruments de torture : chalumeau, fer à souder, pinces ».
Un objet, plus précisément un sujet, concentre les attaques de certains artistes : le "visage", la "face", le "portrait", la "figure", selon les contextes, les registres où il/elle apparaît. Chacune de ces expressions suscite une dimension – l’apparence, la frontalité, l’identité, l’intangibilité de la forme – que vise ce geste commun à tous ces artistes, que j’ai choisi d’appeler défiguration. Défigurer, c’est percer le voile des apparences, affronter la personne en arrachant son masque, découvrir l’identité, déformer pour mieux connaître et sentir.
Lorsqu’il se livre à ses performances, Olivier de Sagazan se décrit comme « un hippopotame métaphysique qui se roule dans sa boue purificatrice ».
L'exposition Olivier de Sagazan est visible à la Galerie 5 de la bibliothèque universitaire rue Lenôtre à Angers du 14 janvier au 26 février 2010
Pour en savoir plus:Le site de l'artiste:
http://nefdesfous.free.fr/index.htm
et un lien vers un blog où vous trouverez des textes de Romain Verger et plusieurs vidéos des performances d'olivier de Sagazan.
http://membrane.tumblr.com/post/166394368/olivier-de-sagazan-carnets-datelier-n-14
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