samedi 10 octobre 2009

Qu'avait donc derrière la tête Benoît Hamon?



Emboîtant le pas à Marine Le Pen au sujet du livre de Frédéric Mitterrand "La mauvaise vie", Benoît Hamon en a surpris plus d'un en dénonçant les écrits d'un "ministre-consommateur" et jugeant "choquant", "qu'un homme puisse justifier, à l'abri d'un récit littéraire, le tourisme sexuel", déclenchant, une nouvelle tempête dans les rangs du parti socialiste.
Ce qui surprend en effet, ce n'est pas les ragots ou autres rumeurs de ce genre coutumiers chez l'extrême droite mais l'écho chez des hommes de gauche. Pourtant, il n'est pas question ici de commenter les extraits mis en cause ni les déclarations des uns et des autres mais de réfléchir à partir de cette polémique sur le rapport public/privé à travers ici le corps d'un homme politique. Certains auteurs comme Patrice Flichy ont signalé ce lent glissement de l'espace public vers l'espace privé. Richard Sennett, quant à lui, dans son ouvrage, "Les tyrannies de l'intimité", faisait le constat du déclin des spectacles collectifs au profit des divertissements à usage privé et utilisait l'expression "vie privée publique". Ici, que se passe-t-il? Le livre, sorti il y a presque cinq ans, ne provoqua alors que peu de remous et fut salué par une partie de la critique. Mais depuis, l'auteur est devenu ministre et son corps, privé alors, même s'il fut dévoilé au public à travers ce récit devient publique car politique. En d'autres termes, le corps d'un politique est-il privé ou public? Ne doit-on pas distinguer ce qui relève de l'intime, de la vie sexuelle des hommes politiques, qui relève du privé, de la posture corporelle de ces derniers.
On peut relever qu'il y a eu ces derniers temps un brouillage car les corps de Nicolas Sarkozy et de Barack Obama sur la plage ont fait le tour des rédactions. Par posture corporelle, j'entends ce corps que le président des Français exhibe sur la plage ou plus loin encore, celui de Valéry Giscard d'Estaing en train de jouer au football. Ces images sont proches de celles de John Kennedy, à la barre de son voilier, le torse nu, affichant ce corps vigoureux, synonyme de jeunesse incarnant une nouvelle politique, garant de modernité.
La vie politique ne cesse de se personnaliser, est-ce pour autant une corruption et celle-ci représente-t-elle un danger pour la démocratie? Ce corps devient-il plus important que le programme? Ou ne s'agit-il que d'une mise en scène nouvelle du corps physique du pouvoir? Au même titre que les empereurs romains ou celle des rois français. Ce qui change c'est que la chair, absente, devient très présente, proche de la trivialisation.
Ce mouvement d'individualisation efface les frontières entre espace public et vie privée surtout dans les médias de divertissement et de débat mais affecte également de plus en plus la communication politique qui voit ses acteurs rechercher la mise en scène de l'individu, le discours personnel, voire la confession. Auparavant toute mise en avant de la personne dans l'action politique était vue comme une dégradation ou une corruption d'un authentique espace public (selon Habermas). On parle alors de dérive populiste, de démagogie. Il faudrait alors s'interroger comme le fait Eric Maigret sur les formes possibles de personnalisation politique et interpréter le phénomène.
Pour finir, comment, dans une société marquée par la pression du public (une foule lyncheuse sur internet selon Finkielkraut) et la complexité des enjeux pour des élus à la fois chargés de résoudre les problèmes ET de représenter des populations hétérogènes, cette personnalisation peut apparaître pour les publics un moyen de juger leurs représentants?
Pour aller plus loin: rendez-vous sur mon blog destiné aux étudiants L1 educ
http://etaroncourssciencesinfocom.blogspot.com/

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